[Duel] Dorcas Meadowes VS Leroy de Louvière

[Victoria O'Sullivan]

Victoria pénétra dans le grand amphithéâtre qui lui avait été alloué pour ce club de duels. Deux élèves l'y attendaient d'ores et déjà, une jeune fille à la chevelure domptée dans une queue de cheval serrée, et un jeune homme au visage déjà marqué par un précédent combat. La jeune femme sourit poliment aux deux apprentis duellistes et lança simplement :

"Bonjour !"

Elle se planta devant eux, sur les marches des gradins réservés à un public pour l'heure absent puisqu'il s'agissait là d'un cours de duel, et non d'un tournoi – il y en aurait, mais plus tard, quand les élèves seraient entraînés. Victoria toisa les deux élèves du jour d'un air impassible. Elle savait que ses yeux bleus trop clairs et trop durs avaient tendance à mettre mal à l'aise, aussi esquissa-t-elle un léger sourire.

"Enchantée, je suis Victoria O'Sullivan. D'après la liste que m'a donné Albus, vous devez être Dorcas et Leroy, n'est-ce pas ? Mettez-vous en position, s'il vous plaît, chacun à un bout de la piste."

S'ils s'attendaient à une démonstration de sa part ou à un discours d'encouragements, ils allaient être déçus : pour le moment, elle avait besoin de savoir ce qu'ils valaient, de quelle manière ils se battaient.

"Vous connaissez des sorts de sixième année, n'hésitez pas à les utiliser, mais faites attention : ces sorts peuvent vous épuiser. Utilisez-les avec intelligence."

Elle marqua une pause et sortit sa baguette, les invitant par là à faire de même.

"Bien. C'est un duel d'essai, en quelque sorte, je dois voir ce dont vous êtes capables afin de pouvoir mieux vous enseigner ma matière. Donnez le meilleur de vous-mêmes et... restez sports ! Vous avez la chance de pouvoir vous comporter avec honneur ici, pas comme sur un vrai champ de bataille. Je sais, vous êtes ici pour apprendre à vous comporter dans un vrai duel sorcier, où vous risqueriez votre vie... nous y viendrons. En temps voulu, et plus tôt que vous ne le croyez."

A ces mots, son sourire disparut. Elle tapa dans ses mains et lança alors, secouant sa longue chevelure brune, libre dans son dos :

"Maintenant, je vais vous demander de vous saluer et, à mon signal, vous pourrez commencer votre duel. Vous connaissez les règles... à vous de tester leurs limites. Saluez. Et maintenant... à vos baguettes... prêts ? PARTEZ !"

Spoiler:

[Leroy de Louvière]

Allongé à plat ventre en travers de son lit, les mains sous le menton, Leroy fixait les hautes fenêtres du dortoir, sans vraiment les voir. La valse lente des flocons ne retenait guère son attention mais l’aidait à se perdre dans ses pensées en lui offrant un spectacle lent, répétitif. Apaisant. Une brusque bourrasque de vent fit tourbillonner un instant les flocons, les précipitant, affolés, contre la vitre, avant que leur lente descente ne reprît. À coup sûr, les allées du parc ne seraient bientôt plus praticables tant la couche de neige s’épaissirait. Leroy pouvait l’imaginer peser sur la toiture, les rebords des fenêtres, recouvrant tout de sa lourde chape, effaçant les détails, comme un immense linceul blanc et gris. C’était le seul terme qui lui venait et ce n’était pas anodin. Malgré ses efforts, le garçon ne parvenait pas à oublier ce qui s’était passé à la Cabane hurlante, la mort de Gabrielle advenue sous leurs yeux. Il ne parvenait pas non plus à oublier leur propre impuissance face aux Mangemorts, leur incapacité à se défendre convenablement face à des adversaires déterminés à tuer. Leur faiblesse, leur manque d’entraînement était plus que visible. Dire qu’ils étaient en sixième année pour la plupart… Leroy commençait à s’entraîner et à se préparer pour le concours d’entrée à l’école des Aurors mais ses efforts étaient encore loin de payer. Passer des heures dans la bibliothèque le jour, dans la Réserve la nuit, à chercher des sortilèges utiles, à apprendre comment contrer efficacement la magie noire le fatiguait mais il n’entendait pas renoncer. Il s’était promis de lutter autant que possible contre les Mangemorts, de s’opposer à eux de toutes ses forces…pour les autres autant que pour lui-même.

Un coup d’œil sur son réveil apprit au garçon qu’il était temps pour lui de se préparer. Dès qu’il avait su que Dumbledore projetait d’ouvrir un club de duel destiné aux élèves, il avait sauté sur l’occasion et s’était inscrit. Il se demandait ce que l’enseignante, une certaine Victoria O’Sullivan, leur apprendrait. Quel degré de magie elle s’estimerait autorisée à pratiquer. Le garçon l’espérait assez haut. Il avait de l’avance en Défense contre les forces du mal, même si ce n’était pas vraiment à son honneur ni seulement dû à son travail : quand on avait pour père un expert en magie noire et qu’on avait longtemps adhéré aux idées de ce même père, on en savait fatalement davantage dans ce domaine.
Tout en songeant, Leroy se leva, arrangea rapidement sa chemise et son pull, puis quitta son dortoir, avec sa baguette à la main. À travers les quatre étages qu’il lui fallait descendre afin de rejoindre la salle choisie pour abriter le club de duels, il laissa ses pensées vagabonder sur la tournure que prendrait cet entraînement. Le Serdaigle avait déjà eu l’occasion de pratiquer le duel sorcier chez lui… Une idée de son père pour l’entraîner et renforcer ses capacités. Mais les méthodes d’Emmeran étaient tout sauf douces ; il ne tolérait pas la moindre erreur et Leroy avait plus souvent qu’à son tour fait les frais de ses punitions. Certes, il avait appris des sorts, guère recommandables et qu’il n’oserait pas utiliser dans l’enceinte de Poudlard, encore moins sous les yeux d’un professeur ou contre l’un de ses condisciples ; certes, ses réflexes s’étaient améliorés…mais le garçon espérait qu’O’Sullivan, tout en étant exigeante, ne le serait pas autant que son père. Et qu’il en tirerait de bons enseignements. Ses derniers duels n’avaient guère tourné en sa faveur ; il ne se rappelait que trop la façon dont avait fini le combat avec son père. Machinalement, le garçon porta la main à sa joue, sur le tracé irrégulier de la balafre, trop longue et trop large, qui le défigurait. Non, vraiment, il était loin d’être de taille face à un homme comme Emmeran. Et pour le reste…inutile de convoquer de nouveau le souvenir de la Cabane hurlante.
Le garçon avait besoin d’un entraînement réel, solide. Le fait de pratiquer seul, comme il en avait l’habitude, atteignait rapidement ses limites. Le claquement sec de l’escalier s’amarrant à un nouvel étage tira Leroy de ses pensées. Il avait suivi son chemin sans y penser vraiment, et venait d’atteindre le troisième étage.

Le Serdaigle remonta le couloir, trouva sans peine la salle qu’on lui avait indiqué. Il s’agissait d’un vaste amphithéâtre, guère utilisé pour les cours, mais qui servait parfaitement le but du club. L’espace dégagé devant les gradins constituait un bon cadre pour l’entraînement, et les sièges serviraient lors des tournois. Leroy n’eut pas le temps de s’appesantir davantage sur la décoration ; quelqu’un d’autre entrait à sa suite, et il reconnut Dorcas, qui serait son adversaire du jour. Il eut un mouvement vers elle. Cela faisait quelque temps qu’il n’avait pas eu l’occasion de recroiser la jeune fille, mais il avait entendu les rumeurs qui couraient sur son sujet…sur la mort de ses parents. La conversation qu’ils avaient eue avec Evangeline lui laissait un goût amer ; ainsi malgré tous ses efforts, la Gryffondor n’était pas parvenue à protéger ses parents comme elle le souhaitait. Il lui adressa un sourire compatissant, compréhensif, sincère dans ce qu’il voulait lui témoigner. Il comprenait ce que pouvait éprouver Dorcas, était prêt à la soutenir dans cette épreuve.

Leroy n’eut cependant pas le temps d’ajouter un mot. L’enseignante arrivait à son tour et les saluait sobrement, d’un bonjour, auquel il répondit d’une inclinaison de tête. Elle alla se poster sur les gradins pour les toiser sans montrer la moindre émotion. Leroy soutint son regard sans sourciller ; il était difficilement impressionnable. Et il n’y avait que deux yeux bleus au monde qui le faisaient immanquablement ciller, le forçaient à détourner les yeux dès les premières secondes. Depuis toujours, le bleu glacé de son père le dominait. Au moins O’Sullivan était-elle plus souriante.

Le garçon approuva d’un hochement de tête lorsqu’elle mentionna leur nom, puis alla prendre position à l’autre extrémité de la piste, face à Dorcas. Efficace, stricte : la première vision qu’il avait de Victoria O’Sullivan était plutôt favorable. Peut-être qu’ils progresseraient réellement avec elle. Ce serait une chance pour Dorcas et lui qui envisageaient de devenir Aurors.
Une fois qu’ils furent en place, elle leur donna ses recommandations, puis précisa les objectifs de ce premier duel. Au moins, elle ne perdait pas de temps, allait droit à l’essentiel. Là encore, c’était appréciable. Elle voulait voir ce dont ils étaient capables… Malgré ses échecs, le Serdaigle se sentait relativement en confiance ; ce n’était pas pour rien qu’il avait atterri dans la maison de Rowena. Quelque part, cependant, il aurait préféré que le professeur teste elle-même leurs capacités plutôt que de les opposer directement, mais cela tenait sans doute au fait qu’il était proche de Dorcas. Il n’aurait pas éprouvé ce bref instant de gêne face à quelqu’un d’autre.

O’Sullivan insista sur le côté sport, fair-play de ce duel. De toute façon, autant que possible, Leroy désirait combattre de façon honnête, même s’il savait que les aléas de la guerre vers laquelle le monde sorcier se dirigeait de plus en plus ne lui en laisseraient peut-être pas toujours l’occasion. Mais il ne voulait pas se perdre ; il était déjà passé bien trop près de se battre dans le mauvais camp.
L’enseignante précisa qu’ils en viendraient aux vrais duels plus tôt qu’ils ne le pensaient. Si elle servait ce discours à tous les élèves, Dorcas et Leroy avaient une légère avance… Ils s’étaient déjà confrontés au pire.

Leroy salua l’enseignante, puis Dorcas comme le demandaient les règles du duel, en plaçant sa baguette devant son visage et en l’abaissant sur le côté, à la façon d’une épée. Le signal ne tarda pas à venir, et le garçon attaqua immédiatement. Il connaissait Dorcas, sa vivacité… il lui faudrait être rapide également.

–Incarcerem ! lança-t-il.

Tendu, vigilant, il ne quittait pas la Gryffondor des yeux, prêt à bouger, cherchant à anticiper sa réaction dans son regard ou ses moindres mouvements.

[Dorcas Meadowes]

Une demi-heure avant l'heure de la convocation au club de duel du troisième étage, Dorcas enfila un ensemble de sport, glissa sa baguette magique dans sa manche et partit courir.

Exactement ce qu'elle avait fait le jour de l'attaque de la cabane hurlante. Ce jour-là, ni son entraînement ni l'échauffement musculaire provoqué par la course n'avaient servis. Elle savait tout juste foncer dans le tas ; elle devait apprendre à réfléchir. Il en allait de sa survie, mais aussi de la survie de ses proches. Les derniers. Ceux qui restaient... Dorcas descendit les marches de la tour des Gryffondors avec la boule au ventre et les sanglots prêts à éclater. Il lui semblait qu'une bulle de tristesse était prête à exploser n'importe quand à l'intérieur d'elle-même, plus fragile que du cristal, délicate à manipuler... comme la jeune fille en ce moment. Après tout, cela ne faisait que deux semaines que ses parents avaient été assassinés. Dorcas se relevait doucement de cette vertigineuse chute au plus profond d'elle-même et de ses peurs ; on pouvait survivre à l'horreur, elle désirait le prouver aux Mangemorts, et leur montrer ce qu'une fille de moldus avait dans le ventre.

Aussi, même si son édifice personnel s'écroulait sur ses bases, il tenait bon vu de l'extérieur. Bientôt, un jour, peut-être commencerait-il même à se reconstruire. Alice Queen's le lui avait assurée. Leroy en ferait de même, s'ils avaient l'occasion d'en parler. Elle ne l'avait pas revu depuis un moment. Elle n'avait fréquenté personne, à dire vrai, depuis l'attaque de la cabane hurlante. Dans un premier temps parce qu'elle remâchait sa haine et ne souhaitait s'en prendre à personne de manière gratuite – comme un malheureux Serpentard qui n'aurait pas nécessairement été un Mangemort – et, dans un second temps, parce que son deuil lui pesait trop pour qu'elle ose seulement songer à affronter le monde hors de son lit à baldaquin, là où le Mal pouvait l'atteindre.

Ces pensées tournoyèrent dans sa tête tandis que, dans le parc, les flocons virevoltaient au gré des bourrasques. Dorcas cligna des yeux pour chasser un papillon de neige venu se poser sur ses cils. La tempête ne lui faisait pas peur. Dorcas traversa une partie du parc en veillant à ne pas trop s'éloigner de la silhouette protectrice et bienveillante du château. Elle progressa à petites foulées régulières puis, voyant l'heure s'approcher, retourna sur ses pas à plus grandes enjambées qui lui rosirent les joues, main dans la main avec le froid qui pénétrait de plus en plus son corps.

La jeune fille arriva juste à l'heure dans le grand amphithéâtre qui servirait de premier décor au club de duels. Leroy s'y trouvait déjà, en chemise et pantalon, bien plus élégant qu'elle ne l'était ces derniers temps. Il lui offrit un sourire qui réchauffa le cœur de la jeune fille. Celle-ci lui offrit l'ombre d'un sourire, une piètre parodie qui n'eut pas le temps de s'améliorer comme la responsable du club de duels pénétrait dans la salle. Victoria O'Sullivan, une duelliste très douée – Dorcas s'était renseignée sur elle avant de s'inscrire. Elle murmura un "Bonjour madame" du bout de ses lèvres fraîchement baisées par les flocons.

Le discours de bienvenue fut à la fois sec et chaleureux, constructif et rassurant. Dorcas hocha la tête sans rien dire ; qu'y avait-il à rajouter de toute façon ?

Dorcas se plaça face à Leroy, mit sa baguette devant son visage et trancha l'air avec la pointe, avant de saluer d'une légère inclinaison de la tête. Dorcas ne quitta pas des yeux le regard de Leroy, dans lequel elle lisait l'hésitation, en même temps qu'une grande détermination. La Gryffondor passa en revue les sorts qu'elle connaissait. Quand Leroy lança son "Incarcerem", elle sut d'une part qu'elle n'avait pas été assez rapide et, d'autre part, qu'un protego n'arrêterait pas les cordes qui allaient s'enrouler autour de ses bras...

Elle copia donc une réplique qu'elle avait déjà vu faire... visant les cordes qui jaillissaient de la baguette adverse, elle s'écria : "Catapulta !"

Avait-elle agi trop tard ?

[Victoria O'Sullivan]

Après les saluts de rigueur dans une arène sportive, les duellistes se toisèrent mais ne se tournèrent pas longtemps autour. Au bout de quelques secondes seulement, sans signe avant-coureur, le Serdaigle se lança le premier : "Incarcerem !" Les cordes jaillirent, serpents de chanvre et de magie, claquant droit vers les bras de la Gryffondor. Celle-ci, comme hébétée par l'attaque, fut cependant assez prompte à réagir, ce qui promettait un combat intéressant. Au lieu de se défendre ou même de se déplacer, elle tenta le tout pour le tout et répliqua avec un sortilège de catapulte...

Qui alla droit dans les cordes, et les dévia de leur trajectoire initiale. Les cordes chutèrent au sol et sifflèrent contre les murs, avec de durs claquements secs comme des coups de fouet. Le sortilège échoué crépita et les cordes s'enroulèrent sur elles-mêmes avant de disparaître dans un nuage de fumée.

Même si le sortilège du Serdaigle avait échoué, il avait fait montre d'une puissance intéressante, Victoria savait reconnaître le pouvoir quand elle le voyait. De même, la Gryffondor montrait une puissance brute égale sinon supérieure, puisqu'un simple Catapulta bien envoyé avait balayé les cordes...

Spoiler:

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